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Channel: Observatoire de la vie politique turque » réunification de Chypre
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Duel entre Mehmet Ali Talat et Derviş Eroğlu, lors des élections présidentielles, à Chypre du Nord, le 18 avril.

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Dimanche 18 avril, les Chypriotes turcs sont appelés à se rendre aux urnes, à l’occasion des élections présidentielles. Sept candidats participent à ce scrutin, mais le résultat devrait se jouer entre le président sortant, Mehmet Ali Talat (à gauche sur la photo), 58 ans, et le premier ministre actuel, Derviş Eroğlu (à droite sur la photo), 71 ans. Si aucun candidat n’obtient plus de 50% des voix, le 18 avril, un second tour aura lieu le 25 avril, pour départager les deux candidats arrivés en tête au premier tour. À deux jours de l’ouverture du scrutin, Derviş Eroğlu, qui est devenu premier ministre après avoir remporté les élections législatives l’année dernière, est donné gagnant avec près de 10 points d’avance. Leader de la formation nationaliste UBP (Ulusal Birlik Partisi – Parti de l’Unité Nationale), le chef actuel du gouvernement chypriote turc est hostile à la réunification de l’île, mais pour tenter d’obtenir l’appui d’Ankara, il n’a cessé de répéter qu’il poursuivrait les négociations, qui sont en cours, avec la partie chypriote grecque, tout en ne manquant pas de rappeler son scepticisme à leur égard. Celui qui apparaît comme le challenger de cette élection se dit aussi convaincu de l’emporter dès le premier tour, mais le scrutin de dimanche pourrait d’être perturbé par la présence de trouble-fêtes, comme l’indépendant Tahsin Ertuğruoğlu, un ancien membre de l’UBP, dont on murmure que la candidature aurait été suscitée par Ankara, afin de diviser le camp nationaliste.

En 2005, le président sortant, Mehmet Ali Talat, l’avait emporté face au même Derviş Eroğlu. C’est dire ces élections apparaissent comme une revanche. Mais, elle constitue aussi un enjeu important pour l’avenir de l’île. Car, en devenant président, Mehmet Ali Talat, le leader du CTP (Cumhuriyet Türk Partisi, Parti Républicain Turc de centre gauche) avait mis un terme au long règne de Rauf Denktaş, le chef historique des nationalistes chypriotes turcs, dont Derviş Eroğlu est l’émule. Devenu d’abord premier ministre en janvier 2004, Talat s’était en effet déclaré en faveur du plan de réunification de Chypre de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, que les Chypriotes turcs avaient largement approuvé, lors du référendum d’avril 2004. Par son esprit ouverture, le nouveau leader chypriote turc semblait avoir ainsi tourné la page de l’ère Denktaş.

Par la suite, le rejet du plan Annan par les Chypriotes grecs a éloigné la perspective d’un règlement, remettant en cause la stratégie de Talat et entamant sa popularité. Toutefois, au printemps 2008, l’élection de Dimitris Christofias à la présidence de la République de Chypre (partie grecque au sud de l’île), a relancé l’espoir d’un règlement. Leader du parti progressiste des travailleurs de Chypre (communiste), le nouveau président a mis, à son tour, un terme à l’emprise politique de Tassos Papadopoulos, le leader des nationalistes chypriotes grecs, qui à bien des égards est longtemps apparu comme la réplique grecque de Rauf Denktaş, au point que le second ayant été baptisé «Mister No», on avait fini par appeler le premier «Mister Never».

Dimitris Christofias et Mehmet Ali Talat, ayant milité ensemble, dans leur jeunesse, au sein du parti communiste chypriote unifié, la reprise des négociations entre ces deux hommes s’annonçait sous les meilleurs hospices. Mais, depuis deux ans, le processus de rapprochement entre les communautés grecque et turque à Chypre a suivi un cheminement chaotique, suscitant tantôt de sérieux espoirs (notamment lors de la réouverture du Check Point de Ledra Street à Nicosie), tantôt des déceptions amères. Cet enlisement des négociations a fait pâlir un peu plus l’étoile de Mehmet Ali Talat, et contribué à la victoire des nationalistes de Derviş Eroğlu, lors des élections législatives de 2009.

Si le président chypriote turc sortant n’est pas réélu, une réelle occasion de règlement à Chypre aura donc été perdue. Et ce d’autant plus, que côté grec, Dimitris Christofias a annoncé qu’il ne se représenterait pas à la présidence en 2013. Tout en ayant multiplié les contacts avec eux au cours des derniers mois, le gouvernement turc de Recep Tayyip Erdoğan, quant à lui, considère avec méfiance l’éventuel retour des nationalistes à la présidence de la République Turque de Chypre du Nord (RTCN). Rappelons que les noms d’Eroğlu et de Denktaş ont été prononcées dans le cadre de l’affaire «Ergenekon».

Les élections présidentielles de dimanche seront en outre suivie de très près à Ankara, parce que le blocage du dossier chypriote, qui a vu la Turquie refuser l’ouverture de ses ports et aéroports à Nicosie, a amené l’Union Européenne a geler 8 chapitres du processus de négociations qu’elle mène avec le gouvernement turc. Dans la mesure où la Turquie est l’un des seuls pays à reconnaître la RTCN et qu’elle y maintient 35 000 soldats, la marge de manœuvre d’Eroğlu, si jamais il est élu, sera très faible, et il n’aura sans doute pas d’autre choix que de poursuivre le processus de négociations engagé avec les Chypriotes grecs. Mais, une telle élection serait probablement mal accueillie par l’Union Européenne et tant qu’à faire, dans le contexte actuel de ses relations difficiles avec Bruxelles, le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan se passerait bien du retour au premier plan d’un élève de Rauf Denktaş.
JM


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